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Les dits de dames
4 décembre 2008

Hors le temps

Le temps imparti à légitimer mon gagne pain se termine. Le retour à la maison se fait toujours en douleur, celle du dernier pion de l’échiquier à l’instant où se ferme le couvercle de la boîte toujours trop petite ; ma petite personne doit se presser, se compresser dans ce train du soir.
Fin du labeur, du moins, apparemment : le cerveau continue, lui, à circonvolutionner toutes sortes d’informations.
La multitude et la diversité des idées qui « passent par la tête », comme l’usage le décrit, sont remarquables.
Les associations sont, me semble-t-il, sans logique apparente.
Lorsque j’en fais le rebours, je retiens souvent les enchaînements intuitifs, sensibles…non maîtrisés.
Au sein d’une intense réflexion toute professionnelle quelques faits parasites, insidieux s’immiscent alors dans la structure mentale. Les images, les idées s’enchaînent alors telle la course folle d’un jeune animal sauvage fait de vigueur, d’insouciance, vierge de toute tentative de dressage.
·  Les yeux sont dans le vague, parfois happés par une sensation de déjà vu comme la grâce de cette nuque. La vision fugitive donne de suite une soudaine nouvelle direction à la course de l’animal.
·  Ce parfum fugace, pâle rappel de celui de ton cou, provoque un écart du chemin que l’on croyait tracé.
Toutes ces ombres collégiales qui me maintiennent debout dans ce wagon, sont grises, sont sourdes, sont masse informe uniforme sur laquelle rebondit la course du demi rêve.
Ton regard se superpose : terre d’ombre chaude des iris où chantent les ors, la lumière.
Mes yeux se ferment. Emprisonnant l’image. Autour n’est que bourdonnement de la lourde machine et pesante torpeur humaine. Ton visage en filigrane se dessine comme mes mains ébauchent parfois son contour dans le vide.
Annonces des stations abordées ; compression des corps comblant les vides ; odeurs de bêtes en sueur, exaspérées ou résignées. Ne t’enfuis pas, je t’en prie, ne t’enfuis pas.
Contre mon corps je rêve ton corps. Je m’efforce à garder les yeux fermés. Oh, maîtriser l’animal fougueux de dedans ma tête pour que la sensation ne s’échappe ! Mon corps ton corps frôler. Ton corps mon corps épouser… Bientôt… mais encore si long… J’ai mal de t’espérer.
L’agitation du bétail me fait tituber. Les portes mécaniques s’écartent, libérant le piétinement de mille jambes lourdes, la déambulation des faces pâles de fatigue.
La foule carnassière m’enveloppe, m’avale, me digère et me rejette hors de son flot.
Je te rejoins, je ne sais plus le temps qu’il m’a fallut, ni comment ; cela n’a pas d’importance.
Plus rien n’a d’importance, ma tête est pleine de ton manque.
Plus rien n’a d’importance, ta porte s’est refermée sur nous.
« Ce train est sans arrêt jusqu’à « Hors le temps »… »

Domlic - Novembre 2008

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