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Les dits de dames
31 janvier 2010

Etat grippal nocturne

Perchés comme d’improbables gouttes d’eau sur les plus hautes brindilles du chêne, les oiseaux conciliabulent ferme. En cette fin de journée hivernale, pas de brise, point de feuillage non plus, c’est ensemble, arbre et volatiles, que se dresse l’écheveau des silhouettes noires sur ciel blanc. Le brouillard stagne en nappe immobile entourant la base de l’arbre, quelques volutes s’essayent à monter, diffuses, mais sans succès. Les oiseaux s’en fichent.

Par moment, comme averti par un signal silencieux, l’un d’entre eux s’envole, laissant la mince branche rebondir mollement derrière lui. Comme pour lui répondre, d’autres arrivent et font trépider à leur tour le fragile perchoir et ses occupants, tassés sur eux-mêmes, en attente d’un prochain départ.

La nuit est tombée depuis et je me relève soudain, ahurie, la fièvre qui m’a terrassée tout à l’heure est celle qui me propulse maintenant hors du lit, chancelante, ne sachant pas pourquoi je suis debout quand mon corps me réclame l’alitement. J’ai rêvé tout à l’heure mais le reste de cette nuit sera encore soumis à l’insomnie.

Mon lit figurait un tableau que je venais de présenter sur la place publique et qui m’était retourné comme une gigantesque carte de vœux sur laquelle, bon nombre d’amis, réunis pour l’occasion, aurait mêlé leurs souhaits et espoirs pour la nouvelle année. Le format est rectangulaire, donc, et ses couleurs chaudes reposent sur un fond noir. Pour atténuer le contraste, de larges traits généreux et effrités soulignent les champs, suivant les courbes des zones franchement colorées.

Mais voilà que se mêlent les réponses de mes correspondants et le creux du lit devient une arène trop étroite pour accueillir un enchevêtrement de facettes colorées de même gamme chaude, rehaussées de vert, prenant la forme concave de multiples morceaux cassés de tasses de thé, certains s’empilant harmonieusement, prenant une place conséquente et m’acculant finalement hors du lit.

Je ne sais comment gérer cet afflux d’images tant sur les couleurs que sur les matières, elles semblent confondues avec moi comme sorties de mon pinceau rivière et nourries de mes crayons bavards. J’écoute avec stupeur les conversations qui s’en dégagent et je constate avec effarement le volume que tout ceci prend. Une évidence s’impose, il va falloir ranger, l’étroitesse de ma couche ne convenant pas plus avec cette avalanche de facettes colorées qu’avec les voix qui s’y mêlent toutes étonnées de ma réaction ; mon corps malade réclame la paix.

Nuit blanche pour tableau multicolore et bruyant, j’attends avec désespoir la lumière hésitante de l’aube qui viendra fondre le tout et me laisser rompue sur le cadre du lit. Je me rends, que lit et tableau soient désunis par les liens sacrés du repos, que fièvre tombe à bas, que pinceaux et crayons retournent à leur premier amour, je me rends.

Lhanne - Jan 2010

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