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Les dits de dames
8 décembre 2011

Bleu (1)

Ma couleur est le bleu, de ce bleu insolent qui nous nargue en plein ciel d’été. Quand nous sommes saturés de chaleur jusqu’à l’écœurement. Cherchant vainement un réfrigérateur où nous fourrer la tête, avec dans le creux de l’oreille l’incessante litanie infantilisante du ministère de la santé repris par les médias, buvez 2 litres d’eau par jour, ne sortez pas aux heures les plus chaudes, évitez les activités physiques extérieures et na na na. Ce bleu céleste que nous comprenons si bien puisqu’il n’existe que par l’heureuse combinaison atmosphérique nous séparant de l’espace, bleu magique, bleu imaginaire, bleu improbable et changeant.

Lorsque ma mère a décrété en 1975 le port du kilt rouge pour la gamine que j’étais, ma tête a rugi. Histoire de rester dans le ton. Jupe plissée, longues chaussettes blanches soulignant des genoux bardés d’anciennes écorchures, raie sur le côté et barrette pour faire tenir des cheveux d’un lissage à faire pleurer dans les chaumières, je me trainais de fort mauvaise volonté jusqu’au groupe scolaire du coin ; jamais aimé l’école. J’avais comme ennemi notoire le fils de l’institutrice des CP, un petit con suffisant qui se rengorgeait de l’impunité maternelle durant son temps en classes primaires. Rodolphe avait pour habitude d’entrainer ses victimes dans un passage délimitant deux préfabriqués, qui constituaient les salles d’activités extrascolaires, et de leur intimer l’ordre de placer un pied dans un cul de poule quelconque. Là, il taclait méchamment le tibia au risque de le briser. Son rire moqueur arrivait presque à couvrir nos pleurs. C’était le genre de garçon qui tirait les queues de cheval des filles, leur soulevait la jupe en douce ou les éclaboussait d’eau boueuse les jours de pluie et d’encre de portes-plumes les jours ensoleillés. Pas de souvenir de bagarre entre mecs. Devait être trop malin pour se castagner avec ses pairs. Je me suis toujours demandé ce qu’était devenu ce petit être infernal, protégé par sa garce de mère. La Shikarsian terrorisait des générations de bambins affolés depuis toujours me semblait-il. Dans sa classe point de bruit, son courroux décourageant toute forme de rébellion. Mais peut-on parler de rébellion pour de si jeunes gamins ? Pas de place non plus pour les retardataires à la lecture, guère plus de clémence pour qui découpait mal son papier ou coloriait de manière brouillonne un dessin. Les bons points chèrement acquis étaient aussitôt repris. Les punitions collectives pleuvaient et je regardais de loin en loin les images, récompensant dix bons points, qui se balançaient mollement sur un fil tendu du tableau jusqu’au crochet supportant les gigantesques cartes de France. La danse nonchalante des images entretenait le désir de les acquérir, pourtant peu d’entre-nous pouvaient se vanter de les caresser.

Alors bleu ! Comme pathétique protestation face à ces injustes pouvoirs.

Pour toi, bleu électrique à la Pierrot le fou sur ta face de potentat des bacs à sable et pour toi, maîtresse indigne, bleu primaire tartiné sur tes joues de Folcoche des écoles.

Lhanne - Novembre 2011

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